Petites explications sur la "gratte" et sur le pourquoi la recette est faite avec du poisson des profondeurs
La ciguatéra encore appelée "gratte" est une intoxication alimentaire consécutive à la consommation de poissons tropicaux associés aux récifs coralliens et appartenant à des espèces habituellement comestibles. Ce phénomène de bio-écologie marine complexe a des conséquences économiques sérieuses dans les îles où les poissons de récif sont à la base de l'alimentation. Connu depuis des siècles, il existe dans la plupart des écosystèmes coralliens des zones intertropicales.
Ils apparaissent généralement deux à douze heures après le repas. Les plus communs sont :
- picotements autour des lèvres et du nez.
- fourmillements des mains et des pieds.
- sensations bizarres de brûlure au contact de l'eau froide.
- douleurs musculaires et articulaires.
- maux de tête, fatigue, sueurs, frilosité.
- nausées, vomissements, diarrhées, coliques.
- démangeaisons sans plaques d'urticaire.
- pouls ralenti avec température normale.
La présence de ces signes impose la consultation rapide d'un médecin.
L'évolution est la plupart du temps favorable en quelques jours. Une perfusion intraveineuse de mannitol permet souvent la levée des signes neurologiques et une élimination plus rapide des toxines.
La quasi totalité des poissons de lagon est susceptible d'être toxique. Ils appartiennent aux familles des perches de mer, becs de cane, loches et mérous, carangues, barracudas, murènes, chirurgiens, perroquets, mulets, napoléons, thons à dents de chien, balistes. Ces poissons ne sont pas systématiquement dangereux à manger.
Les poissons du large : thons à nageoires jaunes, germons, tazards, bonites, mahi mahi ne sont pratiquement jamais ciguatoxiques.
En Polynésie française, aucun archipel n'est épargné. Les zones où l'on peut trouver des espèces toxiques sont nombreuses et très variées (bancs coralliens océaniques, récifs barrières ou frangeants, lagons). Elles sont parfois limitées à une passe ou une portion de récif ou de lagon, la plupart des poissons des autres secteurs de l'île pouvant être tout à fait comestibles. La situation peut d'ailleurs varier à la fois dans l'espace et dans le temps. Ainsi une zone saine peut devenir progressivement toxique et inversement au bout d'un temps variable.
Dans le Pacifique, les toxines incriminées ont été isolées (plus d'une vingtaine au total). Les structures moléculaires de huit d'entre elles ont été déterminées. Il s'agit d'une famille de composés polyéthers.
Ce sont des neurotoxines très puissantes. Elles provoquent des perturbations des fonctions neurophysiologiques même à de très faibles doses.
Le point de départ de la chaîne alimentaire de la ciguatéra est un organisme microscopique formé d'une seule cellule à deux flagelles. Ce dinoflagellé découvert aux Iles Gambier et appelé Gambierdiscus toxicus vit sur les algues se développant sur les coraux morts. Il s'y multiplie généralement en nombre limité mais peut rapidement proliférer dans certaines conditions écologiques aux multiples facteurs.
On a observé que diverses perturbations naturelles (cyclones, tsunami, fortes pluies saisonnières...) ou humaines (travaux sous-marins en tous genres, immersion de matériaux divers, aménagement de littoral...) favorisent sa prolifération partout où les algues macroscopiques qui lui servent de niche écologique sont présentes.
Les ciguatoxines, produites en très faibles quantités par le dinoflagellé sont ingérées par les poissons herbivores qui "broutent" les algues. Elles se concentrent alors dans leurs tissus. Elles s'accumulent aussi dans les poissons carnivores qui se nourrissent des herbivores.
Nous sommes malades quand nous consommons une certaine dose de toxines dépassant notre seuil de tolérance.
Une bonne connaissance de la biologie des poissons (habitudes alimentaires, habitat, vie sédentaire ou mobilité) liée à une bonne expérience de la pêche lagonaire permet une sélection judicieuse des espèces à moindre risque. On le constate auprès des pêcheurs expérimentés.
Les résultats de la recherche ont abouti à une meilleure connaissance des toxines notamment sur le plan chimique et pharmacologique. Ces propriétés ont permis la mise au point de techniques de dosage des ciguatoxines dans quelques grammes de poissons. D'autres méthodes utilisant des anticorps sont en cours de développement.
La présence de ciguatoxines n'altère en rien l'apparence, l'odeur, le goût ou le comportement du poisson. La congélation, la cuisson, le fumage, le mode de préparation et l'assaisonnement n'éliminent pas la toxicité.
Faites confiance aux riverains d'un endroit quand ils vous disent qu'un poisson local présente des risques.
Evitez
de consommer les plus gros spécimens des espèces de lagon quand vous ne
possédez aucune information sur une zone de pêche donnée ou quand vous
en ignorez la provenance.
Videz les poissons aussitôt après la pêche.
Dans un poisson donné, le foie, la tête, les organes et les produits génitaux sont plus toxiques que les filets. Ne les mangez pas.
Prenez soin après une intoxication de rester au moins trois semaines sans manger de poisson ou autres fruits de la mer quels qu'ils soient. Evitez aussi les boissons alcoolisées pendant quelque temps...